Enregistré en public à l’Arno Babajanyan Concert Hall d’Erevan, « Live in Armenia » est une véritable immersion dans l’instant, où chaque note semble surgir d’un dialogue intime entre le pianiste et le lieu. Les cinq parties du disque (Part I à V) forment une suite libre, traversée par des motifs récurrents, des silences tendus et des envolées lyriques. L’influence de Keith Jarrett est indéniable, mais filtrée par une sensibilité très personnelle, nourrie de spiritualité et de mémoire. Thibaud Mennillo laisse résonner son instrument, le convoque comme un médium. L’Arménie, qu’il appelle son « pays de cœur », devient ici un espace de fraternité, de résonance culturelle et de profondeur humaine. Né en 1989 dans une famille de musiciens mêlant jazz et classique, ce dernier grandit dans un univers sonore foisonnant. Son grand-père, Roger Mennillo, fut un pianiste de jazz reconnu dans la région marseillaise, et un pédagogue influent. Thibaud, lui, choisit une voie autodidacte, hors des conservatoires, se formant par l’écoute et l’improvisation. Son langage musical s’inspire de Messiaen, Ravel, Bach, Scarlatti, Debussy, Chopin, mais aussi de Gurdjieff, Komitas, Babajanyan, Gasparian, Khatchatourian, et bien sûr Coltrane et Chick Corea. Cette pluralité d’influences donne naissance à une écriture intuitive, où chaque concert devient une expérience sensorielle et méditative. Membre de la State Philharmonia of Armenia, Thibaud Mennillo revendique une appartenance artistique et affective à cette terre marquée par l’histoire et la spiritualité. Il voit dans l’Arménie un refuge de dignité et de mémoire, et dans la musique un pont entre les peuples. Ce disque est donc aussi un hommage, un geste de gratitude envers un pays qui l’a accueilli comme l’un des siens. Finalement, cet enregistrement propose un paysage sonore mouvant, porté par un pianiste qui ne cherche pas à briller, mais à révéler.
Jean-Jacques Millo |