Composé après le premier décès de ses trois enfants, le « Stabat Mater » Op.58 d’Antonin Dvorak (1841-1904) est un cri silencieux d’une rare intensité. Sous la direction de Marek Janowski, le Dresdner Philharmonie et le MDR Leipzig Radio Choir livrent une lecture ample, structurée, d’une grande noblesse. Le chef allemand, fidèle à son esthétique de clarté architecturale, évite tout pathos excessif. Il privilégie une progression organique, où chaque mouvement s’inscrit dans une dramaturgie cohérente, du désespoir initial (Stabat mater dolorosa) à la lumière finale (Quando corpus morietur). Le chœur, somptueusement capté dans l’acoustique généreuse de la Kulturpalast de Dresde, impressionne par sa palette dynamique , alors que l’orchestre déploie des couleurs sombres et moirées, avec une attention particulière portée aux contrechants des bois et aux crescendos des cordes. Du côté des solistes, la soprano Hanna-Elisabeth Müller se distingue par une ligne vocale lumineuse et une diction exemplaire. Roxana Constantinescu, au timbre chaleureux, apporte une profondeur humaine tandis que le ténor, Christian Elsner, peine dans les passages les plus exposés. A l’évidence, le compositeur tchèque « n’a pas écrit une œuvre tragique. Par pudeur certainement, plus que par foi. Il est étonnant de voir comment il a su dépasser ses propres souffrances pour atteindre une grandeur universelle. Le « Stabat Mater » est une œuvre jaillissante, spontanée même dans l’affliction, au contraire du « Requiem » à venir, peinture d’apocalypse noire, complexe et méditative » (Claire Delamarche).
Jean-Jacques Millo |