Ce SACD rassemble quatre œuvres majeures de Walter Kaufmann (1907–1984), composées durant sa période d’exil en Inde et en Angleterre. Ce dernier, musicologue et chef d’orchestre d’origine allemande, a fui le régime nazi en 1934 et s’est profondément imprégné de la musique classique indienne, qu’il a intégrée à son langage symphonique occidental. Le disque s’ouvre sur « Madras Express », poème symphonique effervescent qui évoque le tumulte d’un voyage en train vers le sud de l’Inde. Les couleurs orchestrales y sont vives, presque cinématographiques, et la pulsation rythmique rappelle les cycles tala indiens, sans jamais tomber dans l’illustratif. Vient ensuite « Dirge », élégie poignante composée à bord du SS Strathmore, en route vers l’Angleterre. Ici, Kaufmann déploie une écriture grave, presque mahlérienne, où les silences pèsent autant que les notes. Mais c’est avec « Indian Facades » que l’originalité du compositeur éclate pleinement. Cette « Rhapsodie solennelle pour orchestre » en sept mouvements s’inspire de ragas traditionnels, chacun porteur d’une humeur spécifique. Walter Kaufmann ne cherche pas à imiter la musique indienne, mais à en traduire l’esprit dans un idiome orchestral occidental où les timbres se répondent comme des voix intérieures. La « Symphonie n°2 », en trois mouvements, clôt le programme avec une ampleur plus classique, mais toujours traversée par des inflexions modales et des tensions harmoniques inattendues. L’orchestre de Ratisbonne, dirigé par Stefan Veselka, restitue avec finesse les contrastes dynamiques et les subtilités de timbre, dans une prise de son exemplaire. A découvrir absolument.
Jean-Jacques Millo |