Opus Haute Définition e-magazine

Ricordi

Musique pour Piano

Bruno Rigutto (piano)

Aparté AP390, [Integral] Distribution

2 CD stéréo

Le Pianiste Bruno Rigutto, aujourd’hui 80 ans, signe avec « Ricordi » un autoportrait d’instantanés où la mémoire se fait style, et le souvenir, couleur. Ce n’est ni une rétrospective compassée ni un florilège démonstratif, mais un art de la confidence, un fil de pièces choisies (notamment celles de Schumann, Gounod, Mendelssohn, Lyadov, Ravel, Chopin, Scarlatti, Grieg etc…) pour ce qu’elles disent d’une vie de musicien, de ses rencontres et de ses fidélités. Ce qui frappe d’emblée, c’est la science de la nuance, un legato qui respire, un rubato qui soigne ses transitions, des phrasés qui sculptent la ligne sans l’alourdir. Les voix intérieures sont éclairées, jamais soulignées, le chant se déploie avec cette élégance française qui refuse le pathos et préfère l’évidence. La mosaïque des pièces compose un récit. Les contrastes sont assumés, mais l’architecture reste fluide. Chaque page appelle la suivante, comme si l’album suivait la logique de l’émotion plutôt que celle du catalogue. On y entend l’art de faire dialoguer l’intime et l’universel, le salon et la salle, la confidence. Le piano sonne proche, humain, avec une palette qui va du voile diaphane aux éclats de lumière. Les tempos, souvent contenus, privilégient le chant et la résonance ; les articulations sondent la poésie des transitions plutôt que la brillance des angles. Bruno Rigutto rappelle que le piano solo peut être un théâtre à lui seul, mais un théâtre de demi-teintes, de respirations, de regards. Ses propres pièces, intégrées au parcours, éclairent l’oreille sur ce qui, dans son jeu, aime la ligne simple, la courbe mélodique, la nostalgie sans lourdeur. Elles condensent une esthétique : élégance, clarté, pudeur, et cette manière de faire chanter le clavier comme si l’on tournait une page de journal intime. « Ricordi » est un double album où le geste pianistique préfère la confiance à la démonstration, la présence à la performance. On y reconnaît un art de dire juste, de faire entendre la mémoire comme une matière vivante.

Jean-Jacques Millo

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