Les deux sonates pour clarinette et piano Op.120, de Johannes Brahms (1833-1897), présentées ici sont transcrites pour clarinette et orchestre par Stephan Koncz, violoncelliste de formation, membre du Philharmonique de Berlin. Ce dernier s’affirme ici comme un orchestrateur inventif en offrant une nouvelle respiration à ces pages tardives, écrites en 1894 pour Richard Mühlfeld. La clarinette demeure au centre du discours, comme Brahms l’avait voulu. Mais l’orchestre, subtilement déployé, enrichit les dialogues où les cordes prolongent la chaleur du piano originel, tandis que les bois apportent des échos complices, et les cuivres, dosés avec finesse, soulignent les tensions. L’équilibre est remarquable et la clarinette de Daniel Ottensamer conserve son rôle de narrateur principal. Il mène, par ailleurs, une carrière aux multiples facettes en tant que soliste, chambriste et clarinettiste solo de l’Orchestre philharmonique de Vienne. Ce qui frappe, dans cette relecture, c’est la transformation de l’espace sonore. Les sonates, conçues pour le cadre intime du salon, s’ouvrent ici à une dimension quasi concertante. Les mouvements lents gagnent en profondeur contemplative, les élans lyriques se déploient avec une ampleur nouvelle. La nostalgie brahmsienne, si caractéristique de ses dernières œuvres, se colore d’une majesté orchestrale qui ne trahit pas l’esprit originel. Avec cette parution, Daniel Ottensamer et Stephan Koncz offrent une version audacieuse et respectueuse des sonates de Brahms. Le Quatuor pour Piano, Clarinette, violon et Violoncelle de Walter Rabl (1873-1940) avait, en son temps, remporté le premier prix d’un concours prestigieux, dont Brahms lui-même était le président du jury. Le pianiste Christoph Traxler et le premier violon solo de l’Orchestre philharmonique de Berlin, Noah Bendix-Balgley, se joignent à Ottensamer pour cette performance, tandis que Koncz échange sa baguette pour le violoncelle. La combinaison de Brahms et de Rabl offre ainsi à l’auditeur une vue fascinante sur le riche paysage musical de la Vienne de la fin du XIXe siècle.

Jean-Jacques Millo